Le Juif Errant

| 10.10 - La veille d'un grand jour.

 

 

 

Environ deux heures avant que les faits précédents ne se fussent passés au couvent Sainte-Marie, Rodin et le père d’Aigrigny étaient réunis dans le cabinet où on les a déjà vus, rue du Milieu-des-Ursins. Depuis la révolution de Juillet, le père d’Aigrigny avait cru devoir transporter momentanément dans cette habitation temporaire les archives secrètes et la correspondance de son ordre ; mesure prudente, car il devait craindre de voir les révérends pères expulsés par l’État du magnifique établissement dont la Restauration les avait libéralement gratifiés[1].
 
Rodin, toujours vêtu d’une manière sordide, toujours sale et crasseux, écrivait modestement à son bureau, fidèle à son humble rôle de secrétaire, qui cachait, on l’a vu, une fonction bien autrement importante, celle de socius, fonction qui, selon les constitutions de l’ordre, consiste à ne pas quitter son supérieur, à surveiller, à épier ses moindres actions, ses plus légères impressions, et à rendre compte à Rome.
 
Malgré son habituelle impassibilité, Rodin semblait visiblement inquiet et préoccupé ; il répondait d’une manière encore plus brève que de coutume aux ordres ou aux questions du père d’Aigrigny, qui venait de rentrer.
 
– Y a-t-il eu quelque chose de nouveau pendant mon absence ? demanda-t-il à Rodin, les rapports se sont-ils succédé favorables ?
 
– Très favorables.
 
– Lisez-les-moi.
 
– Avant d’en rendre compte à Votre Révérence, dit Rodin, je dois la prévenir que depuis deux jours Morok est ici.
 
– Lui ! dit l’abbé d’Aigrigny avec surprise. Je croyais qu’en quittant l’Allemagne et la Suisse il avait reçu de Fribourg l’ordre de se diriger vers le Midi. À Nîmes, à Avignon, dans ce moment, il aurait pu être un intermédiaire utile… car les protestants s’agitent, et l’on craint une réaction contre les catholiques.
 
– J’ignore, dit Rodin, si Morok a eu des raisons particulières de changer son itinéraire. Quant à ses raisons apparentes, il m’a appris qu’il allait donner ici des représentations.
 
– Comment cela ?
 
– Un agent dramatique l’a engagé, à son passage à Lyon, lui et sa ménagerie, pour le théâtre de la Porte-Saint-Martin, à un prix très élevé. Il n’a pas cru devoir refuser cet avantage, a-t-il ajouté.
 
– Soit, dit le père d’Aigrigny en haussant les épaules ; mais par la propagation des petits livres, par la vente des chapelets et des gravures, ainsi que par l’influence qu’il aurait certainement exercée sur des populations religieuses et peu avancées, telles que celles du Midi ou de la Bretagne, il pouvait rendre des services qu’il ne rendra jamais à Paris.
 
– Il est en bas avec une espèce de géant qui l’accompagne ; car en sa qualité d’ancien serviteur de Votre Révérence, Morok espérait avoir l’honneur de vous baiser la main ce soir.
 
– Impossible… impossible… Vous savez comment cette soirée est occupée… Est-on allé rue Saint-François ?
 
– On y est allé… Le vieux gardien juif a été, dit-il, prévenu par le notaire… Demain, à six heures du matin, des maçons abattront la porte murée ; et, pour la première fois depuis cent cinquante ans, cette maison sera ouverte.
 
Le père d’Aigrigny resta un moment pensif ; puis il dit à Rodin :
 
– À la veille d’un moment si décisif, il ne faut rien négliger, se remettre tout en mémoire. Relisez-moi la copie de cette note, insérée dans les archives de la société il y a un siècle et demi, au sujet de M. de Rennepont.
 
Le secrétaire prit une note dans un casier, et lut ce qui suit :
 
« Ce jourd’hui, 19 février 1682, le révérend père provincial Alexandre Bourdon a envoyé l’avertissement suivant, avec ces mots en marge : Extrêmement considérable pour l’avenir.
 
« On vient de découvrir, par les aveux d’un mourant qu’un de nos pères a assisté, une chose fort secrète.
 
« M. Marins de Rennepont, l’un des chefs les plus remuants et les plus redoutables de la région réformée, l’un des ennemis les plus acharnés de notre sainte compagnie, était apparemment rentré dans le giron de notre maternelle Église, à la seule et unique fin de sauver ses biens menacés de la confiscation à cause de ses déportements irréligieux et damnables ; les preuves ayant été fournies par différentes personnes de notre compagnie, comme quoi la conversion du sieur de Rennepont n’était pas sincère et cachait un leurre sacrilège, les biens dudit sieur, dès lors considéré comme relaps, ont été, ce pourquoi, confisqués par Sa Majesté notre roi Louis XIV, et ledit sieur de Rennepont condamné perpétuellement aux galères[2], auxquelles il a échappé par une mort volontaire, ensuite duquel crime abominable il a été traîné sur la claie, et son corps abandonné aux chiens de la voierie.
 
« Ces prémisses exposées, l’on arrive à la chose secrète, si extrêmement considérable pour l’avenir et l’intérêt de notre société.
 
« Sa Majesté Louis XIV, dans sa paternelle et catholique bonté pour l’Église et en particulier pour notre ordre, nous avait accordé le profit de cette confiscation, en gratitude de ce que nous avions concouru à dévoiler le sieur de Rennepont comme relaps infâme et sacrilège… Nous venons d’apprendre assurément qu’à cette confiscation, et conséquemment à notre société, ont été abstraites une maison sise à Paris, rue Saint-François, numéro 3, et une somme de cinquante mille écus en or. La maison a été cédée avant la confiscation, moyennant une vente simulée, à un ami du sieur de Rennepont, très bon catholique cependant, et bien malheureusement, car on ne peut sévir contre lui. Cette maison, grâce à la connivence coupable mais inattaquable de cet ami, a été murée, et ne doit être ouverte que dans un siècle et demi, selon les dernières volontés du sieur de Rennepont.
 
« Quant aux cinquante mille écus en or, ils ont été placés en mains malheureusement inconnues jusqu’ici, à cette fin d’être capitalisés et exploités, durant cent cinquante ans, pour être partagés, à l’expiration desdites cent cinquante années, entre les descendants alors existants du sieur de Rennepont ; somme qui, moyennant tant d’accumulations, sera devenue énorme, et atteindra nécessairement le chiffre de quarante ou cinquante millions de livres tournois.
 
« Par des motifs demeurés inconnus, et qu’il a consignés dans un testament, le sieur de Rennepont a caché à sa famille, que les édits contre les protestants ont chassée de France et exilée en Europe, a caché le placement des cinquante mille écus ; conviant seulement ses parents à perpétuer dans leur lignée, de génération en génération, la recommandation aux derniers survivants de se trouver réunis à Paris, dans cent cinquante ans rue Saint-François, le 13 FÉVRIER 1832, et pour que cette recommandation ne s’oubliât pas, il a chargé un homme, dont l’état est inconnu mais dont le signalement est connu, de faire fabriquer des médailles de bronze où ce vœu et cette date sont gravés, et d’en faire parvenir une à chaque personne de sa famille ; mesure d’autant plus nécessaire que, par un autre motif ignoré, et que l’on suppose aussi expliqué dans le testament, les héritiers seront tenus de se présenter ledit jour, avant midi, en personne et non par représentant, faute de quoi ils seraient exclus du partage.
 
« L’homme inconnu, qui est parti pour distribuer ces médailles aux membres de la famille Rennepont, est un homme de trente-six ans, de mine fière et triste, de haute stature ; il a les sourcils noirs, épais et singulièrement rejoints ; il se fait appeler Joseph ; on soupçonne fort ce voyageur d’être un actif et dangereux émissaire de ces forcenés républicains et réformés des Sept Provinces-Unies.
 
« De ce qui précède, il résulte que cette somme, confiée par ce relaps à une main inconnue, d’une façon subreptice, a échappé à la confiscation à nous octroyée par notre bien-aimé roi : c’est donc un dommage énorme, un vol monstrueux, dont nous sommes tenus de nous récupérer, sinon quant au présent, du moins quant à l’avenir. Notre compagnie étant, pour la grande gloire de Dieu et de notre Saint-Père, impérissable, il sera facile, grâce aux relations que nous avons par toute la terre au moyen des missions et autres établissements, de suivre dès à présent la filiation de cette famille Rennepont de génération en génération, de ne jamais la perdre de vue, afin que dans cent cinquante ans, au moment du partage de cette immense fortune accumulée, notre compagnie puisse rentrer dans ce bien qui lui a été traîtreusement dérobé, et y rentrer fas aut nefas, par quelque moyen que ce soit, même par ruse ou par violence, notre compagnie n’étant tenue d’agir autrement à l’encontre des détenteurs futurs de nos biens si malicieusement larronnés par ce relaps infâme et sacrilège… pour ce qu’il est enfin légitime de défendre, conserver et récupérer son bien par tous les moyens que le Seigneur met entre nos mains. Jusqu’à la restitution complète, cette famille de Rennepont sera donc damnable et réprouvée, comme une lignée maudite de ce Caïn de relaps, et il sera bon de la toujours furieusement surveiller. Pour ce faire, il sera urgent que chaque année, à partir de ce jourd’hui, l’on établisse une sorte d’enquête sur la position successive des membres de cette famille. »
 
Rodin s’interrompit, et dit au père d’Aigrigny :
 
– Suit le compte rendu, année par année, de la position de cette famille depuis 1682 jusqu’à nos jours. Il est inutile de le lire à Votre Révérence ?
 
– Très inutile, dit l’abbé d’Aigrigny, cette note résume parfaitement les faits…
 
Puis, après un moment de silence, il reprit avec une expression d’orgueil triomphant :
 
– Combien est grande la puissance de l’association, appuyée sur la tradition et sur la perpétuité grâce à cette note insérée dans nos archives ! Depuis un siècle et demi cette famille a été surveillée de génération en génération… toujours notre ordre a eu les yeux fixés sur elle, la suivant sur tous les points du globe où l’exil l’avait disséminée… Enfin demain nous rentrerons dans cette créance peu considérable d’abord, et que cent cinquante ans ont changée en une fortune royale… Oui… nous réussirons, car je crois avoir prévu les éventualités… Une seule chose pourtant me préoccupe vivement.
 
– Laquelle ? demanda Rodin.
 
– Je songe à ces renseignements que l’on a déjà, mais en vain, essayé d’obtenir du gardien de la maison de la rue Saint-François. A-t-on tenté encore une fois, ainsi que j’en avais donné l’ordre ?
 
– On l’a tenté…
 
– Eh bien ?
 
– Cette fois, comme les autres, ce vieux juif est resté impénétrable ; il est d’ailleurs presque en enfance, et sa femme ne vaut guère mieux que lui.
 
– Quand je songe, reprit le père d’Aigrigny, que depuis un siècle et demi que cette maison de la rue Saint-François a été murée et fermée, sa garde s’est perpétuée de génération en génération dans cette famille de Samuel, je ne puis croire qu’ils aient tous ignoré qui ont été et qui sont les dépositaires successifs de ces fonds devenus immenses par leur accumulation.
 
– Vous l’avez vu, dit Rodin, par les notes du dossier de cette affaire, que l’ordre a toujours très soigneusement suivie depuis 1682. À diverses époques, on a tenté d’obtenir quelques renseignements à ce sujet, que la note du père Bourdon n’éclaircissait pas. Mais cette race de gardiens juifs est restée muette, d’où l’on doit conclure qu’ils ne savaient rien.
 
– C’est ce qui m’a toujours semblé impossible… car enfin… l’aïeul de tous ces Samuel a assisté à la fermeture de cette maison il y a cent cinquante ans. Il était, dit le dossier, l’homme de confiance ou le domestique de M. de Rennepont. Il est impossible qu’il n’ait pas été instruit de bien des choses dont la tradition se sera sans doute perpétuée dans sa famille.
 
– S’il m’était permis de hasarder une petite observation, dit humblement Rodin.
 
– Parlez…
 
– Il y a très peu d’années qu’on a eu la certitude, par une confidence de confessionnal, que les fonds existaient et qu’ils avaient atteint un chiffre énorme.
 
– Sans doute : c’est ce qui a appelé vivement l’attention du révérend père général sur cette affaire…
 
– On sait donc, ce que probablement tous les descendants de la famille Rennepont ignorent, l’immense valeur de cet héritage ?
 
– Oui, répondit le père d’Aigrigny, la personne qui a certifié ce fait à son confesseur est digne de toute croyance… Dernièrement encore, elle a renouvelé cette déclaration ; mais, malgré toutes les instances de son directeur, elle a refusé de faire connaître entre les mains de qui étaient les fonds, affirmant toutefois qu’ils ne pouvaient être placés en des mains plus loyales.
 
– Il me semble alors, reprit Rodin, que l’on est certain de ce qu’il y a de plus important à savoir.
 
– Et qui sait si le détenteur de cette somme énorme se présentera demain, malgré la loyauté qu’on lui prête ? Malgré moi, plus le moment approche, plus mon anxiété augmente… Ah ! reprit le père d’Aigrigny, après un moment de silence, c’est qu’il s’agit d’intérêts si immenses, que les conséquences du succès seraient incalculables… Enfin, du moins… tout ce qu’il était possible de faire aura été tenté.
 
À ces mots, que le père d’Aigrigny adressait à Rodin comme s’il eût demandé son adhésion, le socius ne répondit rien…
 
L’abbé, le regardant avec surprise, lui dit :
 
– N’êtes-vous pas de cet avis ? pouvait-on oser davantage ? n’est-on pas allé jusqu’à l’extrême limite du possible ?
 
Rodin s’inclina respectueusement, mais resta muet.
 
– Si vous pensez que l’on a omis quelque précaution, s’écria le père d’Aigrigny avec une sorte d’impatience inquiète, dites-le… il est temps encore… Encore une fois, croyez-vous que tout ce qu’il était possible de faire ait été fait ? Tous les descendants enfin écartés, Gabriel, en se présentant demain rue Saint-François, ne sera-t-il pas le seul représentant de cette famille, et, par conséquent, le seul possesseur de cette immense fortune ? Or, d’après sa renonciation, et d’après nos statuts, ce n’est pas lui, mais notre ordre qui possédera. Pouvait-on agir mieux ou autrement ? Parlez franchement.
 
– Je ne puis me permettre d’émettre une opinion à ce sujet, reprit humblement Rodin en s’inclinant de nouveau, le bon ou le mauvais succès répondra à Votre Révérence…
 
Le père d’Aigrigny haussa les épaules et se reprocha d’avoir demandé quelque conseil à cette machine à écrire qui lui servait de secrétaire, et qui n’avait, selon lui, que trois qualités : la mémoire, la discrétion et l’exactitude.
 


[1] Cette crainte était vaine, car on lit dans le Constitutionnel du 1er février 1832 (il y a douze ans de cela) : « Lorsqu’en 1822, M. de Corbière anéantit brutalement cette brillante École normale qui, en quelques années d’existence, a créé ou développé tant de talents divers, il fut décidé que, pour faire compensation, on achèterait l’hôtel de la rue des Postes, où elle siégeait, et qu’on en gratifierait la congrégation du Saint-Esprit. Le ministre de la marine fit les fonds de cette acquisition, et le local fut mis à la disposition de la Société qui régnait alors sur la France. Depuis cette époque, elle a paisiblement occupé ce poste, qui était devenu une sorte d’hôtellerie où le jésuitisme hébergeait et choyait les nombreux affiliés qui venaient de toutes les parties du pays se retremper auprès du P. Roussin. Les choses en étaient là lorsque survint la révolution de Juillet, qui semblait devoir débusquer la congrégation de ce local. Qui le croirait ? il n’en fut pas ainsi ; on supprima l’allocation mais on laissa les jésuites en possession de l’hôtel de la rue des Postes ; et aujourd’hui 31 janvier 1832, les hommes du Sacré-Coeur sont hébergés aux frais de l’État, et pendant ce temps-là l’École normale est sans asile : l’École normale, réorganisée, occupe un local infect dans un coin étroit du collège Louis-le-Grand. »
 
Voilà ce qu’on lisait dans le Constitutionnel en 1832, au sujet de l’hôtel de la rue des Postes ; nous ignorons quelles sortes de transactions ont eu lieu depuis cette époque entre les RR. PP. et le gouvernement, mais nous retrouvons, dans un article publié récemment par un journal sur l’organisation de la société de Jésus, l’hôtel de la rue des Postes comme faisant partie des immeubles de la congrégation.
 
Citons quelques fragments de cet article :
 
« Voici la liste des biens qu’on connaît à cette partie de la société de Jésus.
 
« La maison de la rue des Postes, qui vaut peut-être 500,000 francs. Celle de la rue de Sèvres, estimée 300,000 francs. Une propriété à deux lieues de Paris, 150,000 francs. Une maison et une église à Bourges, 100,000 francs. Notre-Dame de Liesse, don fait en 1843, 60,000 francs. Saint-Acheul, maison du noviciat, 400,000 francs. Nantes, une maison, 100,000 francs. Quimper, une maison, 40,000 francs. Laval, maison et église, 150,000 francs. Rennes, maison 20,000 francs. Vannes, idem, 40,000 francs. Metz, idem, 40,000 francs. Strasbourg, idem, 60,000 francs. Rouen, idem, 15,000 francs.
 
« On voit que ces diverses propriétés forment, à peu de choses près, 2 millions.
 
« L’enseignement est, en outre, pour les jésuites, une source importante de revenus. Le seul collège de Brugelette leur rapporte 200,000 francs.
 
« Les deux provinces de France (le général des jésuites à Rome a partagé la France en deux circonscriptions, celle de Lyon et celle de Paris), possèdent en outre en bons sur le Trésor, en actions sur les métalliques d’Autriche, plus de 200,000 francs de rente : chaque année la Propagation de la foi fournit au moins 40 à 50,000 francs ; les prédicateurs récoltent bien de leurs sermons 150,000 francs : les aumônes pour une bonne oeuvre ne montent pas à un chiffre moins élevé. Voilà donc un revenu de 540,000 francs ; eh bien ! à ce revenu il faut ajouter le produit de la vente des ouvrages de la Société et le bénéfice que l’on retire du commerce des gravures.
 
« Chaque planche revient, gravure et dessin compris, à 600 francs, et peut tirer dix mille exemplaires qui coûtent, tirage et papier, 40 francs le mille. Or, on peut payer à l’éditeur responsable 250 francs ; donc, sur chaque mille, bénéfice net : 210 francs. N’est-ce pas bien opérer ? et on peut imaginer avec quelle rapidité tout cela s’écoule. Les pères sont eux-mêmes les commis voyageurs de la maison, il serait difficile d’en trouver de plus zélés et de plus persévérants. Ceux-là sont toujours reçus, ils ne connaissent pas les ennuis du refus. Il est bien entendu que l’éditeur est un homme à eux. Le premier qu’ils choisirent pour ce rôle d’intermédiaire fut le socius du procureur N. V. J. Ce socius avait quelque fortune, cependant ils furent obligés de lui faire des avances pour les frais de premier établissement. Quand ils virent s’assurer la prospérité de cette industrie, ils réclamèrent tout à coup leurs avances ; l’éditeur n’était pas en mesure de rembourser ; ils le savaient bien ; mais ils avaient à lui donner un successeur riche, avec lequel ils pouvaient traiter à des conditions plus avantageuses, et ils ruinèrent sans pitié leur socius en brisant la position dont ils lui avaient garanti la durée. »
[2] Louis XIV, le grand roi, punissait des galères perpétuelles les protestants qui, après s’être convertis, souvent forcément, revenaient à leur croyance. Quant aux protestants qui restaient en France, malgré la rigueur des édits, ils étaient privés de sépulture, traînés sur une claie et livrés aux chiens.