Le Juif Errant

| 6.04 - Une jésuitesse.

 

 

 

Pendant que les scènes précédentes se passaient dans la rotonde Pompadour occupée par Mlle de Cardoville, d’autres événements avaient lieu dans le grand hôtel occupé par Mme la princesse de Saint-Dizier.
 
L’élégance et la somptuosité du pavillon du jardin contrastaient étrangement avec le sombre intérieur de l’hôtel, dont la princesse habitait le premier étage ; car la disposition du rez-de-chaussée ne le rendait propre qu’à donner des fêtes, et depuis longtemps Mme de Saint-Dizier avait renoncé à ces splendeurs mondaines ; la gravité de ses domestiques, tous âgés et vêtus de noir, le profond silence qui régnait dans sa demeure, où l’on ne parlait pour ainsi dire qu’à voix basse, la régularité presque monastique de cette immense maison, donnaient à l’entourage de la princesse un caractère triste et sévère.
 
Un homme du monde, qui joignait un grand courage à une rare indépendance de caractère, parlant de Mme la princesse de Saint-Dizier (à qui Adrienne de Cardoville allait, selon son expression, livrer une grande bataille), disait ceci : « Afin de ne pas avoir Mme de Saint-Dizier pour ennemie, moi qui ne suis ni plat ni lâche, j’ai, pour la première fois de ma vie, fait une platitude et une lâcheté. » Et cet homme parlait sincèrement.
 
Mais Mme de Saint-Dizier n’était pas tout d’abord arrivée à ce haut point d’importance. Quelques mots sont nécessaires pour poser nettement diverses phases de la vie de cette femme dangereuse, implacable, qui, par son affiliation à l’ORDRE avait acquis une puissance occulte et formidable ; car il y a quelque chose de plus menaçant qu’un jésuite… c’est une jésuitesse ; et quand on a vu un certain monde, on sait qu’il existe malheureusement beaucoup de ces affiliées, de robe plus ou moins courte. Mme de Saint-Dizier, autrefois fort belle, avait été, pendant les dernières années de l’Empire et les premières années de la Restauration, une des femmes les plus à la mode de Paris : d’un esprit remuant, actif, aventureux, dominateur, d’un cœur froid et d’une imagination vive, elle s’était extrêmement livrée à la galanterie, non par tendresse de cœur, mais par amour pour l’intrigue, qu’elle aimait comme certains hommes aiment le jeu… à cause des émotions qu’elle procure.
 
Malheureusement, tel avait toujours été l’aveuglement ou l’insouciance de son mari, le prince de Saint-Dizier (frère aîné du comte de Rennepont, duc de Cardoville, père d’Adrienne), que, durant sa vie, il ne dit jamais un mot qui pût faire penser qu’il soupçonnait les aventures de sa femme. Aussi, ne trouvant pas sans doute assez de difficultés dans ces liaisons, d’ailleurs si commodes sous l’Empire, la princesse, sans renoncer à la galanterie, crut lui donner plus de mordant, plus de verdeur, en la compliquant de quelques intrigues politiques. S’attaquer à Napoléon, creuser une mine sous les pieds du colosse, cela du moins promettait des émotions capables de satisfaire le caractère le plus exigeant. Pendant quelque temps tout alla au mieux ; jolie et spirituelle, adroite et fausse, perfide et séduisante, entourée d’adorateurs qu’elle fanatisait, mettant une sorte de coquetterie féroce à leur faire jouer leurs têtes dans de graves complots, la princesse espéra ressusciter la Fronde, et entama une correspondance secrète très active avec quelques personnages influents à l’étranger, bien connus pour leur haine contre l’empereur et contre la France ; de là datèrent ses premières relations épistolaires avec le marquis d’Aigrigny, alors colonel au service de la Russie, et aide de camp de Moreau. Mais un jour toutes ces belles menées furent découvertes, plusieurs chevaliers de Mme de Saint-Dizier furent envoyés à Vincennes, et l’empereur, qui aurait pu sévir terriblement, se contenta d’exiler la princesse dans une de ses terres près de Dunkerque.
 
À la Restauration, les persécutions dont Mme de Saint-Dizier avait souffert pour la bonne cause lui furent comptées, et elle acquit même alors une assez grande influence, malgré la légèreté de ses mœurs. Le marquis d’Aigrigny, ayant pris du service en France, s’y était fixé ; il était charmant et aussi fort à la mode ; il avait correspondu et conspiré avec la princesse sans la connaître, ces précédents amenèrent nécessairement une liaison entre eux. L’amour-propre effréné, le goût des plaisirs bruyants, de grands besoins de haine, d’orgueil et de domination, l’espèce de sympathie mauvaise, dont l’attrait perfide rapproche les natures perverses sans les confondre, avaient fait de la princesse et du marquis deux complices plutôt que deux amants. Cette liaison était fondée sur des sentiments égoïstes, amers, sur l’appui redoutable que deux caractères de cette trempe dangereuse pouvaient se prêter contre un monde où leur esprit d’intrigue, de galanterie, et de dénigrement leur avait fait beaucoup d’ennemis ; cette liaison dura jusqu’au moment où, après son duel avec le général Simon, le marquis entra au séminaire sans que l’on connût la cause de cette résolution subite.
 
La princesse, ne trouvant pas l’heure de la conversion sonnée pour elle, continua de s’abandonner au tourbillon du monde avec une ardeur âpre, jalouse, haineuse, car elle voyait finir ses belles années. On jugera, par le fait suivant, du caractère de cette femme. Encore fort agréable, elle voulut terminer sa vie mondaine par un éclatant et dernier triomphe, ainsi qu’une grande comédienne sait se retirer à temps du théâtre afin de laisser des regrets. Voulant donner cette consolation suprême à sa vanité, la princesse choisit habilement ses victimes ; elle avisa dans le monde un jeune couple qui s’idolâtrait, et à force d’astuce, de manèges, elle enleva l’amant à sa maîtresse, ravissante femme de dix-huit ans dont il était adoré. Ce succès bien constaté, Mme de Saint-Dizier quitta le monde dans tout l’éclat de son aventure. Après plusieurs longs entretiens avec l’abbé-marquis d’Aigrigny, alors prédicateur fort renommé, elle partit brusquement de Paris, et alla passer deux ans dans sa terre près de Dunkerque, où elle n’emmena qu’une de ses femmes, Mme Grivois.
 
Lorsque la princesse revint, on ne put reconnaître cette femme autrefois frivole, galante et dissipée ; la métamorphose était complète, extraordinaire, presque effrayante. L’hôtel de Saint-Dizier, jadis ouvert aux joies, aux fêtes, aux plaisirs, devint silencieux et austère ; au lieu de ce qu’on appelle monde élégant, la princesse ne reçut plus chez elle que des femmes d’une dévotion retentissante, des hommes importants, mais cités pour la sévérité outrée de leurs principes religieux et monarchiques. Elle s’entoura surtout de certains membres considérables du haut clergé ; une congrégation de femmes fut placée sous son patronage ; elle eut confesseur, chapelle, aumônier, et même directeur ; mais ce dernier exerçait in partibus : le marquis-abbé d’Aigrigny resta véritablement son guide spirituel ; il est inutile de dire que depuis longtemps leurs relations de galanterie avaient complètement cessé. Cette conversion soudaine, complète et surtout très bruyamment prônée, frappa le plus grand nombre d’admiration et de respect ; quelques-uns, plus pénétrants, sourirent. Un trait entre mille fera connaître l’effrayante puissance que la princesse avait acquise depuis son affiliation. Ce trait montrera aussi le caractère souterrain, vindicatif et impitoyable de cette femme, qu’Adrienne de Cardoville s’apprêtait si imprudemment à braver. Parmi les personnes qui sourirent plus ou moins de la conversion de Mme de Saint-Dizier se trouvait le jeune couple qu’elle avait désuni si cruellement avant de quitter pour toujours la scène galante du monde : tous deux, plus passionnés que jamais, s’étaient réunis dans leur amour après cet orage passager, bornant leur vengeance à quelques piquantes plaisanteries sur la conversion de la femme qui leur avait fait tant de mal… Quelque temps après, une terrible fatalité s’appesantissait sur les deux amants. Un mari, jusqu’alors aveugle… était brusquement éclairé par des révélations anonymes ; un épouvantable éclat s’ensuivit, la jeune femme fut perdue. Quant à l’amant, des bruits vagues, peu précisés, mais remplis de réticences perfidement calculées et mille fois plus odieuses qu’une accusation formelle, que l’on peut au moins combattre et détruire, étaient répandus sur lui avec tant de persistance, avec une si diabolique habileté et par des voies si diverses, que ses meilleurs amis se retirèrent peu à peu de lui, subissant à leur insu l’influence lente et irrésistible de ce bourdonnement incessant et confus qui pourtant peut se résumer par ceci :
 
– Eh bien ! vous savez ?
 
– Non !
 
– On dit de bien vilaines choses sur lui !
 
– Ah ! vraiment ? Et quoi donc ?
 
– Je ne sais, de mauvais bruits… des rumeurs fâcheuses pour son honneur.
 
– Diable !… c’est grave… Cela m’explique alors pourquoi il est maintenant reçu plus que froidement.
 
– Quant à moi, désormais je l’éviterai.
 
– Et moi aussi, etc., etc.
 
Le monde est ainsi fait, qu’il n’en faut souvent pas plus pour flétrir un homme auquel d’assez grands succès ont mérité beaucoup d’envieux. C’est ce qui arriva à l’homme dont nous parlons. Le malheureux, voyant le vide se former autour de lui, sentant, pour ainsi dire, la terre manquer sous ses pieds, ne savait où chercher, où prendre l’insaisissable ennemie dont il sentait les coups ; car jamais il ne lui était venu à la pensée de soupçonner la princesse, qu’il n’avait pas revue depuis son aventure avec elle. Voulant à toute force savoir la cause de cet abandon et de ces mépris, il s’adressa à un de ses anciens amis. Celui-ci lui répondit d’une manière dédaigneusement évasive ; l’autre s’emporta, demanda satisfaction… Son adversaire lui dit :
 
– Trouvez deux témoins de votre connaissance et de la mienne… et je me bats avec vous.
 
Le malheureux n’en trouva pas un.
 
Enfin, délaissé par tous, sans avoir jamais pu s’expliquer ce délaissement, souffrant atrocement du sort de la femme qui avait été perdue pour lui, il devint fou de douleur, de rage, de désespoir, et se tua… Le jour de sa mort, Mme de Saint-Dizier dit qu’une vie aussi honteuse devait avoir nécessairement une pareille fin ; que celui qui pendant si longtemps s’était fait un jeu des lois divines et humaines ne pouvait terminer sa misérable vie que par un dernier crime… le suicide !… Et les amis de Mme de Saint-Dizier répétèrent et colportèrent ces terribles paroles d’un air contrit, béat et convaincu.
 
Ce n’était pas tout : à côté du châtiment se trouvait la récompense. Les gens qui observent remarquaient que les favoris de la coterie religieuse de Mme de Saint-Dizier arrivaient à de hautes positions avec une rapidité singulière. Les jeunes gens vertueux, et puis religieusement assidus aux prônes, étaient mariés à de riches orphelines du Sacré-Cœur, que l’on tenait en réserve ; pauvres jeunes filles qui, apprenant trop tard ce que c’est qu’un mari dévot, choisi et imposé par des dévotes, expiaient souvent par des larmes bien amères la trompeuse faveur d’être ainsi admises parmi ce monde hypocrite et faux où elles se trouvaient étrangères, sans appui, et qui les écrasait si elles osaient se plaindre de l’union à laquelle on les avait condamnées. Dans le salon de Mme de Saint-Dizier se faisaient des préfets, des colonels, des receveurs généraux, des députés, des académiciens, des évêques, des pairs de France, auxquels on ne demandait, en retour du tout-puissant appui qu’on leur donnait, que d’affecter des dehors pieux, de communier quelquefois en public, de jurer une guerre acharnée à tout ce qui était impie ou révolutionnaire, et surtout de correspondre confidentiellement, sur différents sujets de son choix, avec l’abbé d’Aigrigny ; distraction fort agréable d’ailleurs, car l’abbé était l’homme du monde le plus aimable, le plus spirituel, et surtout le plus accommodant.
 
Voici à ce propos un fait historique qui a manqué à l’ironie amère et vengeresse de Molière ou de Pascal. C’était pendant la dernière année de la Restauration ; un des hauts dignitaires de la cour, homme indépendant et ferme, ne pratiquait pas, comme disent les bons pères, c’est-à-dire qu’il ne communiait pas. L’évidence où le mettait sa position pouvait rendre cette indifférence d’un fâcheux exemple ; on lui dépêcha l’abbé-marquis d’Aigrigny ; celui-ci, connaissant le caractère honorable et élevé du récalcitrant, sentit que, s’il pouvait l’amener à pratiquer, par quelque moyen que ce fût, l’effet serait des meilleurs ; en homme d’esprit, et sachant à qui il s’adressait, l’abbé fit bon marché du dogme, du fait religieux en lui-même ; il ne parla que des convenances, de l’exemple salutaire qu’une pareille résolution produirait sur le public.
 
– Monsieur l’abbé, dit l’autre, je respecte plus la religion que vous-même, car je regarderais comme une jonglerie infâme de communier sans conviction.
 
– Allons, allons, homme intraitable, Alceste renfrogné, dit le marquis-abbé en souriant finement, on mettra d’accord vos scrupules et le profit que vous aurez, croyez-moi, à m’écouter : on vous ménagera une COMMUNION BLANCHE, car, après tout, que demandons-nous ? l’apparence.
 
Or, une communion blanche se pratique avec une hostie non consacrée.
 
L’abbé-marquis en fut pour ses offres rejetées avec indignation ; mais l’homme de cour fut destitué. Et cela n’était pas un fait isolé. Malheur à ceux qui se trouvaient en opposition de principes et d’intérêts avec Mme de Saint-Dizier ou ses amis ! Tôt ou tard, directement ou indirectement, ils se voyaient frappés d’une manière cruelle, presque toujours irréparable : ceux-ci dans leurs relations les plus chères, ceux-là dans leur crédit ; d’autres dans leur honneur, d’autres enfin dans les fonctions officielles dont ils vivaient ; et cela par l’action sourde, latente, continue, d’un dissolvant terrible et mystérieux qui minait invisiblement les réputations, les fortunes, les positions les plus solidement établies, jusqu’au moment où elles s’abîmaient à jamais au milieu de la surprise et de l’épouvante générales.
 
On concevra maintenant que, sous la Restauration, la princesse de Saint-Dizier fût devenue singulièrement influente et redoutable. Lors de la révolution de Juillet, elle s’était ralliée ; et, chose bizarre ! tout en conservant des relations de famille et de société avec quelques personnes très fidèles au culte de la monarchie déchue, on lui attribuait encore beaucoup d’action et de pouvoir. Disons enfin que le prince de Saint-Dizier étant décédé sans enfants, depuis plusieurs années, sa fortune personnelle, très considérable, était retournée à son beau-frère puîné, le père d’Adrienne de Cardoville ; ce dernier étant mort depuis dix-huit mois, cette jeune fille se trouvait donc alors la dernière et seule représentante de cette branche de la famille des Rennepont.
 
La princesse de Saint-Dizier attendait sa nièce dans un assez grand salon tendu de damas vert sombre ; les meubles, recouverts de pareille étoffe, étaient d’ébène sculpté, ainsi que la bibliothèque, remplie de livres pieux. Quelques tableaux de sainteté, un grand christ d’ivoire sur un fond de velours noir, achevaient de donner à cette pièce une apparence austère et lugubre. Mme de Saint-Dizier, assise devant un grand bureau, achevait de cacheter plusieurs lettres, car elle avait une correspondance fort étendue et fort variée. Alors âgée de quarante-cinq ans environ, elle était belle encore ; les années avaient épaissi sa taille, qui, autrefois d’une élégance remarquable, se dessinait pourtant encore assez avantageusement sous sa robe noire montante. Son bonnet fort simple, orné de rubans gris, laissait voir ses cheveux blonds lissés en épais bandeaux. Au premier abord on restait frappé de son air à la fois digne et simple ; on cherchait en vain, sur cette physionomie alors remplie de componction et de calme, la trace des agitations de la vie passée ; à la voir si naturellement grave et réservée, l’on ne pouvait s’habituer à la croire l’héroïne de tant d’intrigues, de tant d’aventures galantes ; bien plus, si par hasard elle entendait un propos quelque peu léger, la figure de cette femme, qui avait fini par se croire à peu près une mère de l’Église, exprimait aussitôt un étonnement candide et douloureux qui se changeait bientôt en un air de chasteté révoltée et de commisération dédaigneuse. Du reste, lorsqu’il le fallait, le sourire de la princesse était encore rempli de grâce et même d’une séduisante et irrésistible bonhomie ; son grand œil bleu savait, à l’occasion, devenir affectueux et caressant ; mais si l’on osait froisser son orgueil, contrarier ses volontés ou nuire à ses intérêts, et qu’elle pût, sans se compromettre, laisser éclater ses ressentiments, alors sa figure, habituellement placide et sérieuse, trahissait une froide et implacable méchanceté.
 
À ce moment Mme Grivois entra dans le cabinet de la princesse, tenant à la main le rapport que Florine venait de lui remettre sur la matinée d’Adrienne de Cardoville. Mme Grivois était depuis longtemps au service de Mme de Saint-Dizier ; elle savait tout ce qu’une femme de chambre intime peut et doit savoir de sa maîtresse lorsque celle-ci a été fort galante.
 
Était-ce volontairement que la princesse avait conservé ce témoin si bien instruit des nombreuses erreurs de sa jeunesse ? c’est ce qu’on ignorait généralement. Ce qui demeurait évident, c’est que Mme Grivois jouissait auprès de la princesse de grands privilèges, et qu’elle était plutôt comme une femme de compagnie que comme une femme de chambre.
 
– Voici, madame, les notes de Florine, dit Mme Grivois en remettant le papier à la princesse.
 
– J’examinerai cela tout à l’heure, répondit Mme de Saint-Dizier ; mais, dites-moi, ma nièce va se rendre ici. Pendant la conférence à laquelle elle va assister, vous conduirez dans son pavillon une personne qui doit bientôt venir et qui vous demandera de ma part.
 
– Bien, madame.
 
– Cet homme fera un inventaire exact de tout ce que renferme le pavillon qu’Adrienne habite. Vous veillerez à ce que rien ne soit omis : ceci est de la plus grande importance.
 
– Oui, madame… mais si Georgette ou Hébé veulent s’opposer…
 
– Soyez tranquille, l’homme chargé de cet inventaire a une qualité telle, que lorsqu’elles le connaîtront, ces filles n’oseront s’opposer à cet inventaire ni aux autres mesures qu’il a encore à prendre… Il ne faudrait pas manquer, tout en l’accompagnant, d’insister sur certaines particularités destinées à confirmer les bruits que vous avez répandus depuis quelque temps…
 
– Soyez tranquille, madame, ces bruits ont maintenant la consistance d’une vérité…
 
– Bientôt cette Adrienne si insolente et si hautaine sera donc brisée et forcée de demander grâce… et à moi encore…
 
Un vieux valet de chambre ouvrit les deux battants de la porte et annonça :
 
– Monsieur l’abbé d’Aigrigny !
 
– Si Mlle de Cardoville se présente, dit la princesse à Mme Grivois, vous la prierez d’attendre un instant.
 
– Oui, madame… dit la duègne, qui sortit avec le valet de chambre.
 
Mme de Saint-Dizier et M. d’Aigrigny restèrent seuls.