Le Juif Errant

| 14.07 - Le retour.

 

 

 

Dès que la lutte fut engagée entre Agricol et le carrier, la mêlée devint terrible, ardente, implacable ; un flot d’assaillants, suivant les pas du carrier, se précipita par cette porte avec une irrésistible furie ; d’autres, ne pouvant traverser cette presse effroyable, où les plus impétueux culbutaient, étouffaient, broyaient les moins ardents, firent un assez long détour, allèrent briser un treillis à claire-voie appuyé d’une haie, et prirent pour ainsi dire les ouvriers de la fabrique entre deux feux. Les uns résistaient courageusement ; d’autres, voyant Ciboule, suivie de quelques-unes de ses horribles compagnes et de plusieurs rôdeurs de barrières à figures sinistres, monter en hâte dans la maison commune, où s’étaient réfugiés les femmes et les enfants, se jetèrent à la poursuite de cette bande ; mais quelques compagnons de la mégère ayant fait volte-face et vigoureusement défendu l’entrée de l’escalier contre les ouvriers, Ciboule, trois ou quatre de ses pareilles et autant d’hommes non moins ignobles, purent se ruer dans plusieurs chambres, les uns pour piller, les autres pour tout briser.
 
Une porte, ayant d’abord résisté à leurs efforts, fut bientôt enfoncée. Ciboule se précipita dans l’appartement son bâton à la main, échevelée, furieuse, enivrée par le bruit et par le tumulte. Une belle jeune fille (c’était Angèle), qui semblait vouloir défendre seule l’entrée d’une chambre, se jeta à genoux, pâle, suppliante, les mains jointes, en s’écriant :
 
– Ne faites pas de mal à ma mère !
 
– Je t’étrennerai d’abord, et puis ta mère après, cria l’horrible femme en se jetant sur la malheureuse enfant et tâchant de lui labourer le visage avec ses ongles pendant que les rôdeurs de barrières brisaient la glace, la pendule à coups de bâton, et que les autres s’emparaient de quelques hardes.
 
Angèle poussait des cris douloureux en se débattant contre Ciboule, et tâchait toujours de défendre la pièce où s’était refugiée sa mère, qui, penchée en dehors de la fenêtre, appela Agricol à son secours.
 
Le forgeron était de nouveau aux prises avec le terrible carrier. Dans cette lutte corps à corps, leurs marteaux étaient devenus inutiles ; l’œil sanglant, les dents serrées, poitrine contre poitrine, enlacés, noués l’un à l’autre comme deux serpents, ils faisaient des efforts inouïs pour se renverser. Agricol, courbé, tenait sous son bras droit le jarret gauche du carrier, étant parvenu à lui saisir ainsi la jambe en parant un coup de pied furieux ; mais telle était la force herculéenne du chef des Loups que, quoiqu’il fût arc-bouté sur une seule jambe, il demeurait inébranlable comme une tour. De la main qu’il avait de libre (l’autre était serrée par Agricol comme dans un étau) il tâchait, par des coups de poing portés en dessous, de briser la mâchoire du forgeron, qui la tête baissée, appuyait son front sur le creux de la poitrine de son adversaire.
 
– Le Loup va casser les dents au Dévorant, qui ne dévorera plus rien, dit le carrier.
 
– Tu n’es pas un vrai Loup, répondit le forgeron en redoublant d’efforts, les vrais Loups sont de braves compagnons qui ne se mettent pas dix contre un…
 
– Vrai ou faux, je te casserai les dents.
 
– Et moi la patte.
 
Ce disant, le forgeron imprima un mouvement si violent à la jambe du carrier, que celui-ci poussa un cri de douleur atroce, et allongeant brusquement la tête, il parvint à mordre Agricol sur le côté du cou. À cette morsure aiguë, le forgeron fit un mouvement qui permit au carrier de dégager sa jambe ; alors, par un effort surhumain, il se précipita de tout son poids sur Agricol, le fit chanceler, trébucher et tomber sous lui… À ce moment, la mère d’Angèle, penchée à une des fenêtres de la maison commune, s’écria d’une voix déchirante :
 
– Au secours ! monsieur Agricol… on tue ma fille !
 
– Laisse-moi… et foi d’homme, nous nous battrons demain… quand tu voudras, dit Agricol d’une voix haletante.
 
– Pas de réchauffé… je mange chaud, répondit le carrier ; saisissant le forgeron à la gorge d’une de ses mains formidables, il tâcha de lui mettre le genou sur la poitrine.
 
– Au secours ! on tue ma fille ! criait la mère d’Angèle d’une voix éperdue…
 
– Grâce !… je te demande grâce !… Laisse-moi aller… dit Agricol en faisant des efforts inouïs pour échapper à son adversaire.
 
– J’ai trop faim, répondit le carrier.
 
Agricol, exaspéré par la terreur que lui causait le danger d’Angèle, redoublait d’efforts, lorsque le carrier se sentit saisir à la cuisse par des crocs aigus, et au même instant il reçut trois ou quatre coups de bâton sur la tête, assénés d’une main vigoureuse. Il lâcha prise… et il tomba étourdi sur un genou et sur une main, tâchant de parer les coups qu’on lui portait, et qui cessèrent dès qu’Agricol fut délivré.
 
– Mon père… vous me sauvez… Pourvu que pour Angèle il ne soit pas trop tard ! s’écria le forgeron en se relevant.
 
– Cours… va… ne t’occupe pas de moi, répondit Dagobert.
 
Et Agricol se précipita vers la maison commune. Dagobert, accompagné de Rabat-Joie, était venu, ainsi qu’on l’a dit, conduire les filles du maréchal Simon auprès de leur grand-père. Arrivant au milieu du tumulte, le soldat avait rallié quelques ouvriers afin de défendre l’entrée de la chambre où le père du maréchal avait été porté expirant : c’est de ce poste que le soldat avait vu le danger d’Agricol.
 
Bientôt, un autre flot de la mêlée sépara Dagobert du carrier resté pendant quelques instants sans connaissance.
 
Agricol, arrivé en deux bonds à la maison commune, était parvenu à renverser les hommes qui défendaient l’escalier, et à se précipiter dans le corridor sur lequel s’ouvrait la chambre d’Angèle. Au moment où il arriva, la malheureuse enfant défendait machinalement son visage de ses deux mains contre Ciboule, qui, acharnée sur elle comme une hyène sur sa proie, tâchait de la dévisager.
 
Se précipiter sur l’horrible mégère, la saisir par sa crinière jaunâtre avec une vigueur irrésistible, la renverser en arrière et l’étendre ensuite sur le dos d’un violent coup de talon de botte dans la poitrine, tout ceci fut fait par Agricol avec la rapidité de la pensée.
 
Ciboule, rudement atteinte, mais exaspérée par la rage, se releva aussitôt ; à cet instant quelques ouvriers accourus sur le pas d’Agricol purent lutter avec avantage, et pendant que le forgeron relevait Angèle à moitié évanouie et la portait dans la chambre voisine, Ciboule et sa bande furent chassées de cette partie de la maison.
 
Après le premier feu de l’attaque, le très petit nombre de véritables Loups, comme disait Agricol, qui, honnêtes ouvriers d’ailleurs, avaient eu la faiblesse de se laisser entraîner dans cette entreprise sous prétexte d’une querelle de compagnonnage, voyant les excès que commençaient à commettre les gens sans aveu dont ils avaient été accompagnés presque malgré eux, ces braves Loups, disons-nous, se rangèrent brusquement du côté des Dévorants.
 
– Il n’y a plus ici de Loups ni de Dévorants ! avait dit un des Loups les plus déterminés à Olivier, avec lequel il venait de se battre rudement et loyalement, il n’y a maintenant que d’honnêtes ouvriers qui doivent s’unir pour taper sur un tas de brigands qui ne sont venus ici que pour briser et piller.
 
– Oui… reprit un autre, c’est malgré nous qu’on a commencé par casser les carreaux de votre maison.
 
– C’est le carrier qui a mis tout en branle… dit un autre, les vrais Loups le renient ; il aura son compte.
 
– Tous les jours on se peigne dru… mais on s’estime[1].
 
Cette défection d’une partie des assaillants, malheureusement partie bien minime, donna cependant un nouvel élan aux ouvriers de la fabrique, et tous, Loups et Dévorants, quoique bien inférieurs en nombre, s’unirent contre les rôdeurs de barrières et autres vagabonds qui préludaient à des scènes déplorables.
 
Une bande de ces misérables, surexcitée et entraînée par le petit homme à mine de furet, secret émissaire du baron Tripeaud, se portait en masse aux ateliers de M. Hardy. Alors commença une dévastation lamentable : ces gens, frappés de vertige par la rage de la destruction, brisèrent sans pitié des machines du plus grand prix, des métiers d’une délicatesse extrême ; des objets à demi fabriqués furent impitoyablement détruits ; une émulation sauvage exaltant ces barbares, ces ateliers, naguère modèle d’ordre et d’économie, de travail, n’offrirent plus bientôt que des débris ; les cours furent jonchées d’objets de toutes sortes que l’on jetait par les fenêtres avec des cris féroces, avec des éclats de rire farouches. Puis, toujours grâce aux incitations du petit homme à mine de furet, les livres de commerce de M. Hardy, ces archives industrielles si indispensables au commerçant, furent jetés au vent, lacérés, foulés aux pieds par une espèce de ronde infernale composée de tout ce qu’il y avait de plus impur dans ce rassemblement, hommes et femmes, sordides, déguenillés, sinistres, qui s’étaient pris par la main et tournoyaient en poussant d’horribles clameurs.
 
Contraste étrange et douloureux ! Au bruit étourdissant de ces horribles scènes de tumulte et de dévastation, une scène d’un calme imposant et lugubre se passait dans la chambre du père du maréchal Simon, à laquelle veillaient quelques hommes dévoués. Le vieil ouvrier était étendu sur son lit, la tête enveloppée d’un bandeau qui laissait voir ses cheveux blancs ensanglantés ; ses traits étaient livides, sa respiration oppressée, ses yeux fixes, presque sans regard. Le maréchal Simon, debout au chevet du lit, courbé sur son père épiait avec une angoisse désespérée le moindre signe de connaissance du moribond… dont un médecin tâtait le pouls défaillant. Rose et Blanche, amenées par Dagobert, étaient agenouillées devant le lit, les mains jointes, les yeux baignés de larmes ; un peu plus loin, à demi caché dans l’ombre de la chambre, car les heures s’étaient écoulées et la nuit arrivait, se tenait Dagobert, les bras croisés sur sa poitrine, les traits douloureusement contractés. Il régnait dans cette pièce un silence profond, solennel, interrompu çà et là par les sanglots étouffés de Rose et de Blanche, ou par les aspirations pénibles du père Simon. Les yeux du maréchal étaient secs, sombres et ardents… il ne les détachait de la figure de son père que pour interroger le médecin du regard.
 
Il y a des fatalités étranges… ce médecin était M. Baleinier. La maison de santé du docteur se trouvant assez proche de la barrière la plus voisine de la fabrique, et étant renommée dans les environs, c’était chez lui qu’on avait d’abord couru pour chercher des secours.
 
Tout à coup, le docteur Baleinier fit un mouvement ; le maréchal Simon, qui ne le quittait pas des yeux, s’écria :
 
– De l’espoir !…
 
– Du moins, monsieur le duc, le pouls se ranime un peu…
 
– Il est sauvé ! dit le maréchal.
 
– Pas de fausses espérances, monsieur le duc, répondit gravement le docteur, le pouls se ranime… c’est l’effet de violents topiques que j’ai fait appliquer aux pieds… mais je ne sais quelle sera l’issue de cette crise…
 
– Mon père ! mon père ! m’entendez-vous ? s’écria le maréchal en voyant le vieillard faire un léger mouvement de tête et agiter faiblement ses paupières.
 
En effet, bientôt il ouvrit les yeux… cette fois l’intelligence y brillait.
 
– Mon père… tu vis… tu me reconnais ! s’écria le maréchal ivre de joie et d’espérance.
 
– Pierre… tu es là ?… dit le vieillard d’une voix faible ; ta main… donne…
 
Et il fit un léger mouvement.
 
– La voilà… mon père… s’écria le maréchal en serrant la main du vieillard dans la sienne.
 
Puis, cédant à un mouvement d’ivresse involontaire, il se précipita sur son père, et couvrit ses mains, sa figure, ses cheveux, de baisers en s’écriant :
 
– Il vit !… mon Dieu !… il vit… il est sauvé !…
 
À cet instant, les cris de la lutte qui s’engageait de nouveau entre les vagabonds, les Loups et les Dévorants, arrivèrent aux oreilles du moribond.
 
– Ce bruit… bruit… dit-il ; on se bat donc ?…
 
– Cela s’apaise… je crois… dit le maréchal pour ne pas inquiéter son père.
 
– Pierre… dit le vieillard d’une voix entrecoupée, je n’en ai pas… pour longtemps…
 
– Mon père…
 
– Mon enfant… laisse-moi parler… pourvu que… je puisse te… dire… tout…
 
– Monsieur, dit le docteur Baleinier au vieil ouvrier avec componction, le ciel va peut-être opérer un miracle en votre faveur, montrez-vous reconnaissant… et qu’un prêtre…
 
– Un prêtre, merci… monsieur… j’ai mon fils… dit le vieillard ; c’est entre ses bras… que je rendrai… cette âme qui a toujours été honnête et droite…
 
– Mourir… toi… s’écria le maréchal ; oh ! non… non.
 
– Pierre… dit le vieillard d’une voix qui, d’abord assez soutenue, s’affaiblit peu à peu, tu m’as… demandé… tout à l’heure conseil… pour une chose bien… grave… il me semble… que… le désir… de t’éclairer sur ton devoir… m’a pour un instant rappelé… à la vie… car… je mourrais bien malheureux… si… je te savais… dans une voie… indigne de toi… et de moi… Écoute donc… mon fils… mon loyal fils… à ce moment suprême, un père… ne se trompe pas… tu as un grand devoir à remplir… sous peine de ne pas agir en homme d’honneur, de méconnaître ma… dernière volonté… tu dois sans… sans hésiter…
 
La voix du vieillard s’était de plus en plus affaiblie… lorsqu’il prononça ces dernières paroles, elle devint absolument inintelligible. Les seuls mots que le maréchal Simon put distinguer furent ceux-ci :
 
Napoléon II… Serment… déshonneur… mon fils…
 
Puis le vieil ouvrier agita encore machinalement les lèvres… et ce fut tout…
 
Au moment où il expirait, la nuit était tout à fait venue, et ces cris terribles retentissaient tout à coup au dehors :
 
– Au feu !… au feu !…
 
L’incendie éclatait au milieu de l’un des bâtiments des ateliers, rempli d’objets inflammables et dans lequel s’était glissé le petit homme à mine de furet. En même temps on entendait au loin le roulement des tambours qui annonçaient l’arrivée d’un détachement de troupes venant de la barrière.
 
* * * * *
 
Depuis une heure, et malgré tous les efforts, le feu dévore la fabrique. La nuit est claire, froide ; le vent du nord est violent, il souffle, il mugit. Un homme, marchant à travers champs, et à l’abri d’un pli de terrain assez élevé qui lui cache l’incendie, un homme s’avance à pas lents et inégaux. Cet homme est M. Hardy. Il a voulu revenir chez lui à pied, par la campagne, espérant que la marche apaiserait sa fièvre… fièvre glacée comme le frisson d’un mourant. On ne l’avait pas trompé, cette maîtresse adorée, cette noble femme auprès de laquelle il aurait pu trouver un refuge ensuite de l’épouvantable déception qui venait de le frapper… cette femme a quitté la France. Il ne peut en douter : Marguerite est partie pour l’Amérique ; sa mère a exigé d’elle, pour expiation de sa faute, qu’elle ne lui écrivît pas un seul mot d’adieu, à lui pour qui elle avait sacrifié ses devoirs d’épouse. Marguerite a obéi… Elle lui avait dit, d’ailleurs, souvent :
 
– Entre ma mère et vous, je n’hésiterais pas. Elle n’a pas hésité… Il n’y a donc plus d’espoir ; l’océan ne le séparerait pas de Marguerite qu’il la sait assez aveuglement soumise à sa mère pour être certain que, de même, tout serait rompu… à tout jamais rompu.
 
– C’est bien… il ne compte plus sur ce cœur… ce cœur… son dernier refuge. Voilà donc les deux racines les plus vivantes de sa vie, arrachées, brisées du même coup, le même jour, presque à la fois.
 
– Que te reste-t-il donc, pauvre Sensitive ? ainsi que t’appelait ta tendre mère ; que te reste-t-il pour te consoler de ce dernier amour perdu… de cette amitié que l’infamie a tuée dans ton cœur ?
 
» Oh ! il te reste ce coin de monde créé à ton image, cette petite colonie si paisible, si florissante, où, grâce à toi, le travail porte avec soi sa joie et sa récompense ; ces dignes artisans que tu as faits si heureux, si bons, si reconnaissants… ne te manqueront pas… eux… C’est là aussi une affection sainte et grande… qu’elle soit ton abri au milieu de cet affreux bouleversement de tes croyances les plus sacrées… Le calme de cette riante et douce retraite, l’aspect du bonheur sans pareil que tes créatures y goûtent, reposeront ta pauvre âme, si endolorie, si saignante, qu’elle ne vit plus que par la souffrance.
 
» Allons !… te voilà bientôt au faîte de la colline, d’où tu peux apercevoir, au loin, dans la plaine, ce paradis des travailleurs dont tu es le dieu béni et adoré.
 
M. Hardy était arrivé au sommet de la colline.
 
À ce moment, l’incendie, contenu pendant quelque temps, éclatait avec une furie nouvelle dans la maison commune, qu’il avait gagnée. Une vive lueur, blanchâtre, puis rousse… puis cuivrée, illumina au loin l’horizon.
 
M. Hardy regardait cela… avec une sorte de stupeur incrédule, presque hébétée. Tout à coup une immense gerbe de flamme jaillit au milieu d’un tourbillon de fumée accompagnée d’une nuée d’étincelles, s’élança vers le ciel en jetant sur toute la campagne et jusqu’aux pieds de M. Hardy des reflets ardents. La violence du vent du nord, chassant et touchant les flammes qui ondoyaient sous la bise, apporta bientôt aux oreilles de M. Hardy les sons pressés de la cloche d’alarme de sa fabrique embrasée.
 


[1] Nous désirons qu’il soit bien entendu par le lecteur que la seule nécessité de notre fable a donné aux Loups le rôle agressif. Tout en essayant de montrer un des abus de compagnonnage, abus qui, d’ailleurs, tendent à s’effacer de jour en jour, nous ne voudrions pas paraître attribuer un caractère d’hostilité farouche à une secte plutôt qu’à une autre, aux Loups plutôt qu’aux Dévorants. Les Loups, compagnons tailleurs de pierres, sont généralement des ouvriers très laborieux, très intelligents, et dont la position est d’autant plus digne d’intérêt, que non seulement leurs travaux, d’une précision presque mathématique, sont des plus rudes et des plus pénibles, mais que ces travaux leur manquent pendant deux ou trois mois de l’année, leur dure profession étant malheureusement une de celles que l’hiver frappe d’un chômage inévitable. Un assez grand nombre de Loups, afin de se perfectionner dans leur métier, suivent chaque soir un cour de géométrie linéaire appliqué à la coupe des pierres. Plusieurs compagnons tailleurs de pierres avaient même exhibé à la dernière exposition un modèle d’architecture en plâtre.